Une étude expose les effets du cannabis sur l’intelligence

L’idée que le cannabis puisse diminuer le quotient intellectuel est dans l’air depuis longtemps, mais comme personne ne savait si c’était la mari qui baissait le QI ou si une intelligence plus faible portait à fumer davantage, le lien n’avait pas beaucoup plus de consistance qu’un – pardon pour le jeu de mots – nuage de fumée. Mais voilà qui vient peut-être de changer…

Dans une étude publiée lundi sur le site des Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), une équipe de chercheurs en neurosciences expose ce qui est sans doute la preuve la plus probante, jusqu’à maintenant, des effets de la mari sur l’intelligence. Basée sur une cohorte de 1037 personnes suivies à plusieurs reprises depuis leur naissance, en 1972 et en 1973, jusqu’à l’âge de 38 ans, l’étude a pu faire ce qu’aucune autre n’avait fait avant elle: mesurer le QI avant le début de la consommation de pot et en observer les effets sur un même groupe de gens pendant une très longue période.

Résultat: si l’usage modéré ne semble pas avoir d’effets majeurs, surtout s’il commence à l’âge adulte, il en va tout autrement des grands consommateurs, particulièrement s’ils connaissent leur premier épisode de forte consommation (au moins quatre jours par semaine) avant l’âge de 18 ans. Lors des cinq rencontres de suivi de la cohorte à l’âge adulte (à 18, 21, 25, 32 et 38 ans), ceux qui ont déclaré un seul épisode de forte consommation au cours de leur vie montraient à 38 ans une baisse de QI de trois points par rapport aux scores qu’ils avaient obtenus pendant leur enfance (entre 7 et 13 ans). Chez ceux qui ont déclaré un usage lourd de cannabis trois fois lors des cinq suivis, la baisse a atteint presque six points, et même huit points pour les utilisateurs chroniques qui avaient commencé dès l’adolescence – encore qu’ici, notons-le, la taille des sous-échantillons (moins de 50 personnes) devient très faible.

Le QI est une mesure de l’intelligence dont les résultats sont exprimés par rapport à une moyenne. Celle-ci vaut 100, et environ 95% de la population se situe entre 70 et 130.

Les auteurs de l’étude parue dans les PNAS, menée par la chercheuse Madeline H. Meier, de l’Université Duke, ont également contrôlé diverses variables (nombre d’années d’instruction, consommation d’alcool et de drogues dures, schizophrénie, etc.) pour s’assurer qu’elles ne venaient pas gauchir leurs résultats.

«Étude très importante»

Aux yeux de Claude Rouillard, chercheur en neurologie au Centre hospitalier de l’Université Laval qui s’intéresse en particulier à la toxicomanie, il s’agit là d’une «étude très importante», qui «répond à plusieurs questions qui étaient dans l’air sur les effets à long terme du cannabis» et qui mettra la table pour plusieurs autres recherches à venir. Bref, une étude potentiellement marquante.

Le fait que des mesures neuropsychologiques des participants aient été prises avant tout usage de cannabis constitue, selon lui, la grande originalité de l’étude.Maintenant, poursuit M. Rouillard, il faudra trouver une façon de préciser plusieurs des trouvailles publiées dans les PNAS. «Est-ce que le QI baisse en fonction d’un âge précis [pour le début de la consommation], de la durée de la consommation, de la quantité consommée? Parce qu’un jeune qui va fumer un joint par mois, ce n’est pas la même chose qu’un jeune qui en fume un ou deux par jour. […] Ce ne sera pas évident à éclaircir, mais ce sont des questions qu’il faut poser quand on parle de décriminalisation de la marijuana. On entend alors dire ici et là que la marijuana est une drogue douce sans effet sur la santé, mais ce qu’une étude comme celle-là montre, c’est que si on la prend en bas d’un certain âge, en assez grande quantité et pendant longtemps, eh bien ce n’est peut-être plus une drogue douce.»

Related Posts

Leave a Reply